Les racines de mon enfance
Mon amour pour les arbres est né très tôt. Tout a commencé dans notre maison de famille, en Bourgogne, où, petite fille, je passais toutes les vacances scolaires avec mes cousins et cousines.
Dans le parc situé en face de la maison y règne un grand et majestueux chêne. Il est d’ailleurs répertorié parmi les plus beaux chênes de France….rien que ça ! Il faisait (et continue d’ailleurs) de faire notre joie. C’était un but en soi : aller au chêne. De la puissance de son tronc, si fermement ancré dans le sol, vibre une présence absolue, inébranlable et rassurante.
Malgré leur robustesse, ses branches s’élancent avec grâce et splendeur vers le ciel, avec une amplitude laissant mille et une feuilles se balancer, de plus en plus légères, vers sa cime. Quel spectacle, quelle beauté ! Il s’en dégage une énergie à la fois forte et douce, bienveillante et empreinte de sagesse.
Son envergure en fait un refuge parfait et un terrain de jeu idéal. Une de ses branches s’allonge, parallèle au sol, suffisamment près de celui-ci pour donner envie de tendre les bras et sauter pour l’attraper entre nos mains ; mais suffisamment loin pour que ce ne soit pas vraiment possible, même pour un adulte. Elle est tellement immense qu’on voudrait bien monter dessus pour s’y promener. Ou simplement faire le cochon pendu. Mais grimper sur une telle branche, cela se mérite !
Alors on tente la courte échelle, mais cela nécessite force et équilibre, des deux parties ! Et puis il faut pouvoir redescendre…il n’y a qu’une solution : passer par le tronc. Mais celui-ci ne laisse aucune prise. On aimerait tellement y arriver ! Après de nombreuses tentatives malheureusement vaines, nous en arrivons à la conclusion ultime : il nous faut une échelle. Mais pour cela il nous faut également l’accord et l’aide des grandes personnes. Ces dernières se montrent très réticentes : “on ne va pas apporter une échelle jusque là !”, “vous ne tiendrez pas là-haut”, “c’est trop loin vous ne pouvez pas rester seuls là-bas”, “et si l’échelle tombe”, “c’est trop dangereux”…
A force de volonté et de persuasion, nous obtenons gain de cause. L’objet de notre désir est au pied du tronc, c’est gagné ! Le chêne est ainsi devenu le lieu de nos pérégrinations quotidiennes. Mon frère et mon cousin parviennent à clouer des planches, nous pouvons désormais tenir debout ou nous assoir dans le chêne.
Alors pour notre plus grand bonheur, nous instaurons un petit rituel qui nous offre ce merveilleux sentiment de liberté : venir s’y installer tous les jours avec notre goûter. Perchés sur notre précieux mirador, nous savourons ce double plaisir de croquer dans du pain au chocolat tout en admirant la vie, vue d’en haut, tels des conquistadors.
Il ya une dizaine d’années, j’ai commencé à peindre. Mes toutes premières peintures étaient quatre petites toiles destinées à la chambre de ma fille qui venait de naître, représentant chacune un arbre, le même, mais variant selon les quatre saisons de l’année. Et je réalise seulement aujourd’hui que cet arbre est très clairement la représentation du chêne de mon enfance !
Partout où je vais, que ce soit lors de voyages lointains ou de simples promenades à côté de chez moi, la présence des arbres est ce qui me nourrit le plus.
Ils me fascinent toujours. Arbres de toutes les espèces et de toutes les formes. Jeune, vieux, gros ou maigre, sage ou sauvage, libre ou emprisonné, feuillu ou dénudé, seul ou accompagné, hostile et distant ou accueillant et généreux ; courageux et déterminé, bravant le vent, ou bien prenant confortablement son bain de soleil toute l’année durant…ils sont le miroir de l’être humain. Peu importe à quoi ils ressemblent, je suis toujours émue par leur fragilité ou leur majesté.
Ces photos ont été prises en France, Italie, Argentine, Chili, Brésil, Etats Unis et la Réunion.
L’avez-vous remarqué : l’arbre de la dernière photo est une sculpture en acier ! Elle a été créée par le sculpteur américain Roxy Paine et s’intitule “Split”, pour exprimer le conflit entre la naturel et l’artificiel créé par l’homme. Elle se trouve à Seattle.