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Voyages entre terre et mer

 

Lors de ma première sortie de confinement, je m’étais naturellement dirigée vers une petite route qui traverse les champs et, de là, j’empruntais les chemins qui sillonnent entre les champs et la mer. C’est drôle de voir comme cette promenade, qui était le fruit du hasard la première fois, est devenue une habitude, comme si elle était devenue “ma promenade de confinement” et qu’il ne pouvait en exister d’autre.

C’est ainsi que tous les jours, je pars une heure avant le coucher du soleil pour profiter de la lumière du soir que j’apprécie particulièrement. Je ne suis de toute évidence pas la seule à vouloir profiter de cette douce lumière, car je croise quelques coureurs et promeneurs, et lorsque je me dirige vers la dune pour admirer le coucher du soleil sur la mer, j’aperçois des silhouettes le long de la dune. Ne dépassant pas ce périmètre autorisé, et à défaut d’aller marcher sur la plage, elles se disséminent ça et là pour assister au spectacle du soleil qui commence sa descente jusqu’à disparaître totalement derrière la mer. Nous sommes tous attirés, inéxorablement, tels des aimants par ce spectacle de la nature, et restons là, en solitaire, contemplatifs.

Aujourd’hui, j’ai éprouvé le besoin de sortir le matin, pour apporter un peu de changement à ma journée et goûter également à une autre lumière. Quand celle du soir, douce et enveloppante, recouvre d’un léger filtre rosé tout ce qui l’entoure, celle du matin exprime toute sa clarté et sa vivacité.

Ce matin, en sortant de la maison, je n’ai pas pris la même route. Au lieu de me diriger vers l’est, je me suis dirigée vers l’ouest. Pourquoi ai-je changé de direction aujourd’hui ? C’est étonnant de voir à quel point j’ai pu faire quelquechose par habitude, comme par réflexe, sans réfléchir, et comme soudainement j’ai été portée vers autre chose, vers un ailleurs. Un besoin d’explorer. Est-ce de la lassitude ? C’est difficile de savoir si l’on va se lasser de quelquechose en quelques semaines, quelques années, ou jamais. Il ya des choses dont on ne se lasse jamais, dès lors qu’on y a mis de l’affection, j’imagine. Mais l’affect ne suffit pas, à moins que l’on soit déjà dans le domaine des souvenirs. Lorsqu’il s’agit du présent, ce sont la répétition et l’exclusivité qui font changer notre regard sur les choses et sur ce que nous faisons. Alors il est bon d’aller explorer de nouveaux horizons. Partir pour mieux revenir !

Ce matin, je suis donc partie vers la rue opposée, qui mène également vers un champs. La rue est une impasse, alors je poursuis ma marche sur le chemin de terre qui m’emmène vers une jolie prairie. Peu à peu, le sable se dévoile au creux de l’herbe, jusqu’à ce que l’herbe disparaisse pour laisser place à une dune de sable. C’est un peu comme des vases communicants, l’herbe grignote du terrain au pied de la dune, et la dune s’étale imperceptiblement vers la prairie.

L’air est frais mais le soleil chauffe déjà. J’emprunte alors ce minuscule chemin d’à peine une dizaine de pas, juste de quoi gagner ce petit mètre d’altitude qui m‘offrira une vue imprenable sur la mer. Comme elle est bleue ! Cela me fait instantanément penser à Babar qui, du haut de sa montgolfière, montre la mer à Céleste : “Céleste, regarde ! La mer !” et Céleste lui répondant “Oh, comme elle est bleue !”. Cela fait 15 ans que je n’ai pas lu “Le voyage de Babar”, et pourtant cette réplique est restée gravée dans ma mémoire. J’entends ma grand-mère paternelle fredonner avec sa petite voix légèrement chevrotante les chansons qui accompagnent l’histoire. (Avis aux grands-mères : lisez des histoires à vos petits-enfants, ils s’en souviendront quand ils auront 40 ans !).

Oui, je suis subjuguée par le bleu de la mer à la lumière du matin. Elle est lisse et scintille avec les reflets du soleil. Son horizon apparaît comme une ligne parfaite, comme s’il était tracé à la règle, cela me sidère toujours. Un trait qui paraît d’ailleurs plus foncé, comme si on avait augmenté l’intensité de sa couleur pour lui donner du contraste et le mettre en valeur. Un trait d’une netteté absolue. Selon ma logique, cela devrait être l’inverse : les couleurs, en s’éloignant, ne devraient-elles pas s’estomper et se flouter ?

Après ce moment de contemplation, et trois profondes respirations, je dis “merci”, en signe de gratitude. Un merci à la vie. Je m’en vais, heureuse d’avoir vécu ces quelques minutes de bien-être et de plénitude, ce moment d’intimité privilégiée, silencieux, presque comme un moment de recueillement. Je me dis que décidément, tous les chemins, ou plutôt tous mes chemins mènent à la mer et qu’en réalité, ces petits voyages de moins d’un kilomètre se transforment en de grands voyages intérieurs.


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juliette costeComment